Ouest-France

TikTok et ses pubs IA : faut-il vraiment s’inquiéter ?

TikTok vient de lancer « Symphony », une suite d’outils publicitaires basés sur l’intelligence artificielle, capables de créer des vidéos et même des avatars de créateurs. Si cette avancée promet de démocratiser la création publicitaire, elle soulève aussi de sérieuses questions sur l’authenticité, l’éthique et les risques de dérives comme les deepfakes.

► En bref

  • TikTok lance « Symphony », sa suite publicitaire IA
  • Elle permet de créer des avatars et vidéos publicitaires
  • Cela pose des questions d’éthique et de désinformation

« Symphony » : l’IA au service de la créativité publicitaire sur TikTok

L’annonce a fait grand bruit dans le monde du marketing digital. Avec sa nouvelle suite « Symphony », TikTok met à la disposition des annonceurs une panoplie d’outils d’IA générative. L’objectif est de leur permettre de produire des contenus publicitaires plus rapidement et à moindre coût. Fini, le besoin de faire appel à de grandes agences ou à des studios de production pour de petites campagnes ; l’IA promet de prendre le relais.

Cette initiative vise clairement à abaisser la barrière à l’entrée pour les petites et moyennes entreprises qui souhaitent faire de la publicité sur la plateforme. En automatisant une partie du processus créatif, TikTok espère attirer un plus grand nombre d’annonceurs et diversifier les contenus diffusés. C’est une stratégie agressive pour conserver son avance dans un paysage social media ultra-compétitif.

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Des avatars virtuels aux scripts automatisés, que propose TikTok ?

La suite « Symphony » s’articule autour de plusieurs innovations majeures. La plus spectaculaire est sans doute la création d’avatars numériques. Les marques pourront utiliser des avatars « stock » préexistants ou, plus troublant encore, créer une version IA de vrais créateurs de contenu (avec leur consentement) pour leurs publicités. D’autres outils permettent de générer des scripts, de traduire et de doubler des vidéos dans plusieurs langues avec la voix de l’auteur original, ou encore d’optimiser des vidéos existantes pour les rendre plus « TikTok-friendly ».

Sur son blog officiel, la plateforme détaille ces nouvelles capacités. « Symphony permet aux marques de toutes tailles d’adopter une approche ‘sound-on’ et de créer des contenus qui trouvent un écho auprès de notre communauté, » peut-on lire dans leur communication. L’annonce officielle, disponible sur le blog TikTok for Business, met en avant une vision où la créativité humaine est « augmentée » par l’IA, et non remplacée.

La ligne rouge : entre créativité augmentée et risque de dérive

Si la promesse est alléchante pour les marketeurs, elle ouvre une boîte de Pandore. La question de l’authenticité, pierre angulaire de l’engagement sur TikTok, se pose avec acuité. Les utilisateurs, habitués à des contenus bruts et spontanés, sauront-ils faire la différence entre un vrai créateur et son double numérique ? Le risque de tomber dans la « vallée de l’étrange » (uncanny valley), où les avatars sont suffisamment réalistes pour être troublants mais pas assez pour être crédibles, est bien réel.

Mais la préoccupation principale concerne le potentiel de désinformation et d’arnaques. Des outils aussi puissants pourraient être détournés pour créer des deepfakes publicitaires, où une personnalité semble vanter un produit ou un service frauduleux. La capacité de l’IA à imiter des voix et des visages rend la détection de ces manipulations de plus en plus difficile pour le grand public.

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Le spectre de la désinformation et du « deepfake » publicitaire

Le « deepfake » n’est plus de la science-fiction. Il s’agit d’une technique de synthèse multimédia permettant de superposer des fichiers audio et vidéo existants sur d’autres. Les risques de son utilisation à des fins malveillantes sont documentés et craints par de nombreuses organisations de défense des droits numériques. Si TikTok assure que des garde-fous sont en place, notamment via l’étiquetage obligatoire des contenus générés par IA, la question de la confiance des consommateurs reste entière.

Des études montrent que le public est de plus en plus méfiant face aux contenus en ligne. Selon un rapport de l’organisation de défense des consommateurs Public Citizen, la prolifération de l’IA générative dans la publicité pourrait saper la confiance des consommateurs si elle n’est pas correctement encadrée. « Sans une transparence et une réglementation claires, les consommateurs pourraient être incapables de distinguer les recommandations authentiques des promotions entièrement fabriquées, » préviennent-ils. Cette analyse de Public Citizen sur l’IA générative met en garde contre les dérives potentielles si les plateformes ne prennent pas leurs responsabilités.

Comment, en tant qu’utilisateur, garder un œil critique ?

Plutôt que de céder à la panique, la meilleure approche est de développer son esprit critique. Voici quelques réflexes simples à adopter face à des publicités qui vous semblent étranges :

  • Chercher les étiquettes : TikTok s’est engagé à identifier les contenus générés par IA. Cherchez des mentions comme #AIGC (AI-Generated Content) ou d’autres indicateurs visuels que la plateforme pourrait mettre en place.
  • Vérifier le compte annonceur : S’agit-il d’une marque connue et réputée ou d’un compte apparu soudainement avec une offre trop belle pour être vraie ? Un clic sur le profil de l’annonceur peut en dire long.
  • Se fier à son intuition : Si une vidéo vous met mal à l’aise, que les mouvements ou la voix semblent légèrement « robotiques » ou que le message est trop agressif, la prudence est de mise. N’hésitez pas à signaler les contenus qui vous paraissent trompeurs.

Une technologie à encadrer, pas forcément à craindre

En conclusion, les nouveaux outils publicitaires de TikTok ne sont pas intrinsèquement « bons » ou « mauvais ». Ils représentent une évolution technologique majeure qui comporte autant d’opportunités que de risques. La peur n’est sans doute pas la bonne conseillère. L’enjeu n’est pas de refuser la technologie, mais d’exiger un cadre d’utilisation transparent et responsable de la part des plateformes. Pour les utilisateurs, cette nouvelle ère de la publicité IA impose de renforcer sa vigilance et son esprit critique. C’est à ce prix que l’innovation pourra servir la créativité sans sacrifier l’authenticité et la confiance.